Connu et reconnu pour son élégance intemporelle et ses qualités décoratives et constructives, le marbre a su traverser les âges et les époques esthétiques tout en conservant son statut privilégié dans l’histoire du mobilier. Retour sur un matériau noble aux secrets historiques méconnus !
Sommaire
Des palaces aux humbles demeures : les premières utilisations du marbre
Depuis l’Antiquité jusqu’à notre époque, le marbre a toujours été un symbole de richesse et de raffinement. C’est plus particulièrement en Grèce Antique et à Rome que l’on retrouve les premières traces de son utilisation. À l’époque, les Grecs utilisaient le marbre pour leurs sculptures, leurs statues et l’édification de leurs temples. Pour cette civilisation, ce matériau noble symbolisait la pureté et la divinité.
Dans la Rome Antique, le marbre était davantage un signe de prestige et de pouvoir, et on le retrouvait principalement dans les édifices publics ou les “villas des patriciens” (les résidences luxueuses des membres de l’élite sociale et politique de la Rome de l’époque).
Dans l’architecture romaine, ce matériau était également un symbole de durabilité et d’immortalité, et les anciens étaient convaincus que la solidité et la beauté du marbre pouvaient défier le temps. Et ils n’étaient finalement pas si loin de la vérité.
D’ailleurs, saviez-vous que l’impressionnant Dôme et les colonnes du célèbre Panthéon de Rome avaient été conçues à partir de marbre importé d’Égypte et de Grèce ?
Avec le déclin progressif, puis la chute de l’Empire romain en 476 après J.-C., l’utilisation du marbre commence à se raréfier, malgré un prestige bien ancré, qui sera le terrain fertile de sa renaissance quelques siècles plus tard.
L’âge d’or du marbre : Renaissance et perfectionnement
L’époque de la Renaissance européenne marque une période de renouveau global où le marbre, ainsi que le bronze, le vitrail et d’autres matériaux temporairement laissés de côté, retrouvent une place de choix dans le monde artistique et architectural. En Italie, la curiosité des sculpteurs et des architectes de l’époque permet la création d’œuvres d’une finesse et d’une complexité encore à ce jour inégalées, notamment par la redécouverte des techniques antiques de travail du marbre.
Si l’on peut citer les emblématiques statues en marbre du maître de la Renaissance, Michel-Ange, les structures et décorations intérieures des palais et des villas aristocratiques de l’époque, comme les palais de Florence et les villas romaines de la famille Médicis, rivalisent également de splendeur. Les nouvelles techniques de travail du marbre ouvrent la voie à l’innovation, et de nouvelles formes et types de finitions voient le jour. Le polissage et la sculpture deviennent des arts étudiés et perfectionnés par les maîtres de l’époque, et la création de tant de chefs-d’œuvre témoigne du raffinement et de l’opulence de la Renaissance.
Tables, cheminées, sculptures décoratives de bustes, mosaïques, ornements… Le mobilier en marbre de cette époque devient un élément indispensable aux intérieurs aristocratiques. Alors qu’il était autrefois associé à un symbole de puissance et de divinité, il prend un nouveau sens et devient l’emblème de la renaissance artistique et culturelle.
Entre éclectisme et modernité : le marbre au XIXe et XXe siècle
Le XIXe siècle, période d’industrialisation et de révolution artistique, voit le marbre se démocratiser. Mais ce noble matériau n’en reste pas moins un symbole de luxe.
L’ère victorienne (1837-1901), marquée par un développement culturel et artistique notable et par un goût prononcé pour l’opulence, intègre encore et toujours le marbre dans les meubles bourgeois. Les cheminées en marbre, les tables et les commodes deviennent des éléments incontournables des salons et des salles à manger.
Au début du XXe siècle, l’Art déco et le Modernisme apportent un vent de nouveauté et réinventent l’usage du marbre. Ces mouvements artistiques, qui prônent des lignes épurées et des formes géométriques, exploitent la beauté naturelle des veines du marbre pour créer des pièces de mobilier iconiques.
Eileen Gray, une figure emblématique de l’Art déco, choisit par exemple d’intégrer le marbre dans ses créations (le plateau de la table “Basses” conçue pour la maison E.1027) pour leur donner une touche de luxe tout en discrétion. Le Corbusier, quant à lui, utilisait le marbre pour ses qualités esthétiques et fonctionnelles, à mi-chemin entre tradition et modernité (Villa Savoye, autels et éléments décoratifs de la Chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp).
Les œuvres en marbre de cette période témoignent ainsi de l’adaptabilité et de la versatilité de ce matériau aux nouvelles esthétiques et techniques, et confirment sa légitimité dans l’histoire du design.
Le marbre contemporain : un matériau toujours à la mode
Aujourd’hui encore, le marbre continue de séduire les designers et les amateurs de mobilier. Les tendances actuelles mettent en avant le marbre dans des intérieurs modernes et minimalistes, et sa texture et ses motifs naturels sont encore et toujours privilégié pour apporter une touche de luxe et de sophistication aux intérieurs contemporains.
Des designers emblématiques actuels comme Kelly Wearstler (le Proper Hotel à Santa Monica ou la table basse Melly) ou Patricia Urquiola (l’Hôtel Il Sereno sur le lac de Côme ou la table Shimmer) intègrent le marbre dans leurs créations, des tables basses aux comptoirs de cuisine, en passant par les accessoires décoratifs.
Wearstler, designer audacieuse, mélange généralement le marbre, le bois et le métal pour créer des contrastes saisissants et donne naissance à des espaces et des meubles aussi originaux qu’élégants (collection de mobilier NUDO).
Explorations créatives et réinterprétation historique, les créations marbrées d’aujourd’hui tissent une continuité entre les usages du passé et les goûts contemporains.
Vers un futur durable : le marbre à l’ère des préoccupations écologiques
Même si l’on en parle peu, l’extraction et l’utilisation du marbre posent des défis environnementaux, et comme toute exploitation de ressources naturelles, l’exploitation des carrières de marbre entraîne des dégradations paysagères et des impacts écologiques significatifs, comme la perte locale de biodiversité. Gourmand en eau et en électricité, les processus d’extraction, de traitement et de transport contribuent également à l’épuisement des ressources naturelles et engendrent des émissions de carbone élevées. Face à ces enjeux, des solutions innovantes voient tout de même le jour, afin de rendre l’usage du marbre plus durable et respectueux de l’environnement.
L’avenir du marbre dans le design de mobilier se tourne vers l’écoresponsabilité.
Les techniques de recyclage du marbre et l’optimisation des processus d’extraction permettent de réduire les déchets et de limiter l’impact environnemental de l’utilisation de ce matériau. D’autres initiatives émergent et proposent en parallèle la production de matériaux composites alternatifs plus écologiques (comme Marmoreal). En Italie, certaines entreprises pionnières transforment même les déchets de marbre en produits design, afin de transformer de possibles déchets en ressources (Lithos Design, Salvatori, ou Alcarol).
Les designers et les entreprises de fabrication explorent de nouvelles façons de travailler avec le marbre, respectant à la fois son héritage et les exigences écologiques contemporaines.
Le marbre : entre tradition et innovation
Malgré les nombreuses révolutions esthétiques, le marbre a su conserver son statut de matériau noble et élégant à travers les âges et les époques. De l’Antiquité à la Renaissance, de l’ère victorienne aux tendances modernes et contemporaines, il est resté un symbole de richesse et de raffinement tout en s’adaptant aux exigences techniques et esthétiques de son temps.
Encore aujourd’hui, le marbre se réinvente pour faire face aux défis environnementaux et répondre aux besoins d’un design plus durable. En dépit de ses origines antiques, le marbre continue d’inspirer et de fasciner, tant pour son élégance intemporelle que pour son potentiel pour un avenir plus responsable.