Il est des endroits dans le monde dont personne ne sait qu’ils vont devenir fameux. A cet égard, le palais de Buckingham ressemble au château de Versailles qui n’était au départ qu’un pavillon de chasse où Louis XIII aimait se rendre. Ainsi en 1624, Buckingham (qui ne s’appelle pas encore de ce nom) est une simple maison construite néanmoins sur un terrain appartenant à la famille royale britannique. En quatre siècles, elle est devenue le siège de la monarchie, écrin d’une colossale collection de mobilier que les souverains successifs ont peu à peu constituée. Le palais est aujourd’hui l’un des édifices les plus connus du monde !
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De la maison au palais
C’est sur ce terrain qu’au début du XVIIIème siècle, le premier duc de Buckingham fait construire une magnifique demeure. Ses descendants auront bien du mal à l’entretenir et prennent la décision de la vendre au roi Georges III en 1762. Le monarque en effet ne peut résister à son épouse, la reine Charlotte, qui est tombée éperdument amoureuse des lignes strictes et épurées de la Buckingham House. Installée dans sa nouvelle résidence privée, elle y passera des jours heureux, loin du protocole de la cour, pourtant toute proche puisqu’elle est encore installée au Palais Saint James.
Lorsque Georges III meurt en 1820, il laisse le trône à son fils, Georges IV. Pendant que sa mère, inconsolable délaisse Buckingham, lui veut en faire un luxueux lieu de fête et il en confie les travaux à l’architecte John Nash. Celui qui est qualifié de génie de l’éclectisme transforme «Buckingham House » en un palais néo-classique s’organisant autour d’une cour d’honneur dont l’entrée principale se coiffe d’un arc de triomphe. L’intérieur, dont la décoration est confiée à Sir Charles Long, s’orne de stucs aux couleurs vives, de lapis-lazuli bleus et roses tandis que les plafonds sont décorés de plâtres sculptés.
C’en est trop pour Guillaume IV, qui, après avoir succédé à son frère, veut un retour à la simplicité. Buckingham House, délaissée par le souverain, manque de s’éteindre… Mais en 1837, la très jeune reine Victoria monte sur le trône et veut absolument faire de Buckingham sa résidence principale. Ni une, ni deux, le siège de la monarchie s’installe dans le désormais palais de Buckingham. Comme la souveraine souhaite être visible de son peuple, un balcon est ajouté à la façade. Il sera agrandi au XXème siècle par le père d’Elizabeth II et les apparitions de la famille royale au balcon deviendront une véritable tradition. Le palais devient l’écrin où la monarchie britannique se met en scène. Le roi Charles III, en compagnie du prince William et de Kate perpétueront probablement cette tradition.
Ce palais mythique, alors qu’il est encore habité en partie par la famille royale, est accessible au public, notamment pendant l’été…
Un palais gigantesque
Sur les 775 pièces que possèdent le lieu, 19 sont destinées aux réceptions d’État, ce sont les States rooms que le public peut visiter. Mais il y a aussi 52 chambres royales ou d’amis, 118 chambres pour le personnel 92 bureaux et 78 salles de bain… Dans la Long Gallery, longue de 50 mètres, se prélassent des chefs d’œuvre de la peinture, des Rembrandt, des Rubens et autres Vermeer.
Si les petits salons de réception sont ornés d’un mobilier Régence d’inspiration chinoise, Mais ce qui rend exceptionnel le mobilier de Buckingham Palace est bien autre chose : ce sont les pièces qui ont peu à peu traversé la Manche, de la France jusqu’à l’Angleterre. En effet, depuis le XVIIème siècle, les souverains anglais ont fait venir du mobilier. Ca a été aussi le cas après la Révolution française lorsque des meubles de Versailles sont arrivés sur le marché. Le roi Georges IV est à l’origine d’une belle collection de meubles dont voilà un petit aperçu…
L’armoire Boulle
Acquise dans les années 1820 par Georges IV, cette armoire était destinée au château de Windsor mais elle a finalement trouvé sa place dans le Grand Corridor de Buckingham. Elle est un parfait exemple des créations d’André-Charles Boulle, premier ébéniste de Louis XIV qui a créé pour le château de Versailles toute sorte de meubles. Pour l’anecdote, il a d’ailleurs créé un meuble tout à fait révolutionnaire pour l’époque : la commode. Bref, cette armoire scintillante marquetée d’écaille et de laiton affiche sur ses portes des scènes mythologiques qui mettent en scène Apollon et et la nymphe Daphné. Elle porte sur elle l’innovation majeure de Boulle, à savoir l’application de bronzes sur les parties les plus sensibles du meuble.
Le bureau à cylindre
Dans le salon blanc du palais de Buckingham se trouve un magnifique secrétaire à cylindre signé du célèbre Jean-Henri Riesener, le même qui a créé le bureau de Louis XV qui se trouve à Versailles. Ce bureau, fabriqué en partie en acajou, fait partie d’un ensemble de modèles fabriqué dans les années 1770 pour la famille royale par l’ébéniste du roi. Toute fois les emblèmes royaux ont été enlevés, parfois par Riesener lui-même, avant les années 1790 lorsque les meubles de Versailles ont commencé à être vendus.
Véritable bijou de mécanique, ce secrétaire dissimule un compartiment caché sous la partie amovible centrale.
Le cabinet à bijoux
Signé Jean-Henri Riesener, le cabinet à bijoux a appartenu à la comtesse de Provence, la belle-sœur du roi Louis XVI. Confisqué en 1793 comme tous les biens de la famille royale, ce cabinet, chef d’œuvre de style Louis XVI, devait être exposé au musée de Louvre. Mais les difficultés financières de la France le poussent sur le marché de la vente. Acquis par George IV en 1925, il fait désormais partie du mobilier du palais de Buckingham . Installé dans l’une des States Rooms au murs crème et aux frises dorées, il expose fièrement sa structure en acajou et ses bronzes dorés. Les portes de sa façade cachent 18 tiroirs et 3 étagères ouvertes qui devaient accueillir des coffrets à bijoux.
La table en porcelaine de Sèvres
Commandée par Napoléon en 1806, elle a été offerte à George IV quelques années plus tard et le roi l’a tellement aimée qu’il l’a intégrée à ses portraits officiels. Celle qui porte le doux nom de « Table des Grands Capitaines de l’Antiquité » est aujourd’hui dans le salon bleu où les visiteurs peuvent admirer son plateau richement décoré par le profil d’Alexandre le Grand mais aussi ceux de Périclès, Pompée, César et d’autres encore.
Comment ne pas voir un symbole dans la présence de ces empereurs et grands hommes romains dans l’un des salons du palais de Buckingham ? L’image de la puissance de l’Empire romain se retrouve au cœur même de la monarchie britannique, comme une affirmation de l’importance du lieu et de sa pérennité dans le temps.